Le camouflage des navires est une technique de tromperie militaire qui a été utilisée à la fin de la Première et durant la Seconde Guerre mondiale. Plusieurs types de camouflages ont été expérimentés à cette époque. Parmi ces différentes techniques, telles que les différentes mesures du camouflage (Measure System) de l’US Navy, l’une d’entre elles est devenue une technique artistique importante et impactante dans le monde. Focus sur le Camouflage Dazzle.

Origine historique du Dazzle, l’art de la guerre
Norman Wilkinson, peintre de métier et lieutenant réserviste dans la Royal Navy durant la Première Guerre mondiale, est affecté en 1917 à des missions de patrouille anti-sous-marine et de déminage pendant la bataille de l’Atlantique, où il prend conscience de la destruction massive des navires par les U-boot allemands. Norman Wilkinson comprend alors que les navires, à l’instar des autres armements, ne peuvent se fondre dans l’espace. Par conséquent, il ne faut pas chercher à les rendre invisible, mais il faut chercher un moyen pour les rendre moins vulnérables. Pour répondre à cette problématique, Norman Wilkinson développe le camouflage Dazzle, une technique de camouflage reposant sur un motif formé d’un labyrinthe de lignes obliques irrégulières et de couleurs très contrastées, comme une peinture du mouvement Cubisme.

Cette technique de peinture vise donc à compliquer l’identification du type du navire, l’estimation de sa vitesse et de sa trajectoire. Elle repose sur la perturbation de l’utilisation des télémètres, outils essentiels aux artilleurs marins pour ajuster leur tir, car l’observateur éprouve alors des difficultés à distinguer la proue de la poupe et à déterminer si le navire avance ou recule.

Dès lors, de nombreuses adaptations vont être créées, avec des couleurs adaptées aux opérations spécifiques et aux environnement. Le Western Approaches Scheme, par exemple, utilisait une palette de bleu pâle et de blanc pour les navires opérant dans l’Atlantique Nord afin de se fondre avec le ciel et la mer.

L’héritage du Camouflage Dazzle
Le camouflage Dazzle a laissé derrière lui une empreinte marquante, bien différente de son origine militaire. Son esthétique audacieuse et ses motifs géométriques ont inspiré de nombreux artistes, designers et créateurs dans divers domaines. En voici une liste non exhaustive d’exemples de cette descendance.
Mode
Dans sa collection printemps/été 2009, Alexander McQueen a présenté des robes avec des motifs en noir et blanc tout en jouant sur les illusions d’optique et les formes géométriques. Vivienne Westwood a quant à elle incorporé des éléments du Dazzle dans ses motifs punk et anarchiques, notamment dans sa ligne Anglomania, où les imprimés géométriques disruptifs rappelaient l’esthétique militaire du Dazzle. Enfin, Kenzo, en 2021, proposait dans sa collection automne/hiver des imprimés linéaires noirs et blancs entremêlés. Ces différentes techniques font toutes écho au camouflage de Norman Wilkinson.



Design automobile
En termes de design automobile, de nombreux constructeurs comme BMW, Audi, Bugatti ou Land Rover utilisent aujourd’hui des motifs Dazzle pour camoufler les nouvelles voitures en phase de test, afin d’empêcher les photographes de distinguer les structures des véhicules avant leur sortie officielle.

Culture pop, musique
Côté culture pop, l’album “Dazzle Ships” du groupe Orchestral Manoeuvres in the Dark (OMD), sorti en 1983, rend hommage aux Dazzle Ships de guerre.

Art et expositions
Enfin, concernant l’art au sens littéral du terme, le motif Dazzle inspire d’abord l’Op Art, avec les illusions d’optiques créées par des motifs contrastés en noir et blanc, dans les années 1920, notamment par Kandinsky.

De plus, de nombreux artistes se sont inspirés du travail de Norman Wilkinson pour créer des œuvres artistes en rapport avec l’Histoire militaire. En 2014, l’artiste Rehberger organise Dazzle Ship London, une installation d’un navire peint entièrement en Dazzle sur la Tamise pour commémorer le centenaire de la Première Guerre mondiale.

De même, en 2018, l’artiste Tauba Auerbach transforme un bateau-pompe de New York avec le camouflage bien connu, adapté cette fois-ci aux mouvements de l’eau.

Finalement, nous comprenons que cette technique, à l’initiative d’une tactique militaire, a révolutionné l’histoire de l’art et du monde dans son entièreté, partant de navires de guerre aux radars automatiques de nos routes. Si cet article vous a plu, vous pouvez jeter un œil sur ces différents articles mêlant art et guerre, notamment sur le travail de Yulia Tverintina ainsi que sur celui de War !