Jess Ackerman se sert des épreuves qu’elle a traversées pour enrichir ses œuvres. Un mélange coloré de modèles traditionnels et de silhouettes peints à la sauce contemporaine.
Un style artistique très défini
Le genre de la nature morte connaît son apogée au XXe siècle avec le renouvellement opéré par les tableaux de Paul Cézanne. Il ne s’agit alors plus de peindre des symboles au message religieux mais uniquement des fruits, des ustensiles domestiques ou des objets de la vie quotidienne.
Jess Ackerman, comme beaucoup d’artistes contemporains, décide aujourd’hui de jeter son dévolu sur les natures mortes. Elle simplifie au maximum les formes, réduit les détails à quelques ombres et peint des vases, des fruits, des bouteilles de vin, le plan de travail d’une cuisine…
L’artiste américaine utilise des couleurs vives pour égayer ses épais traits de pinceau. Lorsque l’on regarde attentivement ses tableaux, on est surpris par l’ambivalence entre le réalisme des objets étudiés et les coloris surréalistes utilisés. Jess Ackerman embellit et rend flashy des objets trop souvent rendus ternes (de façon légitime) par les peintres Anciens de nature morte.
Des inspirations diverses et assumées
Son travail n’est pourtant pas dénué d’hommages à ces peintres qui ont ouvert la porte de ce style. Par exemple, elle peint Egg Tits, une toile où l’on peut distinguer un visage dessiné par deux œufs au plat en guise de seins, une gousse de haricot pour la bouche et un quartier d’orange pour le nez.
Le clin d’œil aux Quatre Saisons du peintre italien Giuseppe Arcimboldo est évident. Même processus pour le peintre maniériste qui utilisait fruits et végétaux de la saison en question pour construire un portrait humain. Si les détails étaient plus fournis et l’œuvre générale plus fouillis dans les tableaux de l’italien, la similitude entre le travail d’Arcimboldo et Ackerman est inévitable.
L’utilisation des formes chez Ackerman pour dessiner des humains rappelle aussi le travail de Henri Matisse. Ici par exemple, le corps arc-bouté de la muse du tableau Sorcerers Apprentice est à rapprocher de la position de la femme sur le célèbre Nu bleu II de Matisse.
Jess Ackerman mêle son parcours personnel à son art
Dans le système de santé complexe des États-Unis ne reposant pas sur la sécurité sociale, Jess Ackerman est confrontée depuis plusieurs années à quelques embûches. L’artiste, qui entame une transition de genre, n’a pas les fonds nécessaires pour réaliser l’opération chirurgicale, non couverte par ses frais d’assurance. Son amie Lillian Ruth vient alors à sa rescousse en lançant une cagnotte GoFundMe pour financer les frais d’intervention chirurgicale. Jess Ackerman reposte cette cagnotte sur ses réseaux sociaux et c’est un franc succès car l’artiste récolte plus de 15 000 dollars, ce qui lui permet de programmer son opération pour début Août.
Jess Ackerman produit davantage et surtout mieux lorsqu’elle est à l’aise dans son corps et dans sa tête. En témoigne sa lutte menée contre l’alcoolisme pendant plusieurs années qu’elle se félicite aujourd’hui d’avoir remportée. Quand elle présente une nouvelle exposition, elle souligne la force de sa sobriété. Dans une interview, elle déclare même avoir remplacé son alcoolisme passé par une sorte de « workaholism », une addiction au travail.
Les œuvres colorées d’Ackerman donnent un autre aspect aux objets ultra présents et parfois lassants de notre quotidien. La peintre choisit de ne pas restreindre son art à un style en particulier. Même si elle peint beaucoup de natures mortes, elle s’amuse à créer des portraits d’humains, à imaginer des paysages féeriques ou encore à inventer des animaux fantastiques (et toujours élégants). Jess Ackerman s’éclate, et souhaitons lui de continuer à s’éclater, car c’est le moteur de ses splendides créations.
Pour suivre le travail de Jess Ackerman, suivez la sur son compte Instagram.