Vassily Kandinsky, pionnier de l’art abstrait et théoricien russe, a métamorphosé les caractéristiques de la peinture en une véritable symphonie visuelle, où les formes et les couleurs prennent la place des notes.
Notre portrait de Kandinsky
Les origines du virtuose de la peinture
Moscou, entre tradition et révolution
L’artiste né à Moscou le 4 décembre 1866, dans une période où l’art se trouve à un virage entre tradition et modernité. En Russie, l’essor d’une critique sociale et de l’affranchissement du courant réaliste prépare le terrain pour une révolution artistique qui se déroulera dans les décennies à venir. Les tendances modernistes se développent peu à peu.
De la cour à la toile
Très jeune, il s’intéresse à l’art, sensible à la couleur, mais se forme d’abord en économie politique à l’Université de Moscou en faculté de droit. C’est seulement à l’âge de 30 ans qu’il commence à étudier la peinture à Munich, en 1997, inspiré par l’impressionniste Claude Monet. À cette époque, il cherche encore dans son art son authenticité et reproduit les courants populaires, l’impressionnisme et le fauvisme.
Vers l’abstraction
Une danse entre réalisme et imaginaire
En 1908, son œuvre la Montagne bleue représente sa volonté de s’éloigner du réalisme et de l’impressionnisme. Deux arbres entourent une montagne bleue, l’un est habillé feuilles dorées et l’autre de feuilles rouges. Trois cavaliers traversent le bas de la scène, chaque cavalier porte des vêtements et une selle dans des couleurs unifiées, sans aucun détail réaliste. L’utilisation abondante de la couleur dans cette production témoigne de l’évolution de Kandinsky vers une approche artistique où la couleur est autonome, indépendante des formes et où il s’oppose aux caractéristiques de l’impressionnisme, qui se veut d’une palette aux couleurs claires et douces.
Son art évolue. La première œuvre de l’artiste qui rompt le lien avec l’art figuratif, soit l’art qui a pour vocation de reproduire un élément du monde réel, serait datée de 1910 et nommée First Abstract Watercolor. De nombreuses œuvres accompagnent cette dernière au fil du temps, il est par conséquent difficile de catégoriser la première en date. Il a désormais pour volonté de représenter les émotions ressenties à travers la peinture, comme un reflet de l’âme.
Sa rupture avec le réalisme
Composition VII, en 1913, représente le tournant dans son exploration de l’abstraction pure, il s’agit du point culminant des années de développement de son art, la pièce la plus complexe qu’il ait jamais exécuté.
L’apogée de son travail : les formes et les couleurs s’alignent
Il va utiliser des éléments géométriques, essentiellement des cercles et des angles, qu’il agrémente de variations de couleurs indépendantes de leur rôle de description visuelle de l’art figuratif. Ses productions bariolées offrent aux contemplateurs une synesthésie évoquant les vibrations émotionnelles. Il expliquera plus tard dans son ouvrage sur la théorie de l’art Du spirituel dans l’art de 1911 que l’harmonie entre les formes et les couleurs peut toucher l’âme par des “résonances intérieures”, qu’il appellera la “nécessité intérieure”.
Théories et influences artistiques
La peinture, une partition de musique
La musique est un élément central pour l’artiste. Kandinsky jouait lui-même du violoncelle et du piano et vouait une vocation à l’association de la musique et de la couleur. Il développe notamment trois genres d’œuvres dont deux seront inspirés cette influence : Impressions (inspirées de la nature), improvisations (expressions intérieures spontanées) et compositions (œuvres construites et réfléchies). Véritable maestro de la peinture, il orchestre ses œuvres en imaginant les variations de couleurs comme l’ensemble des notes sur une partition.
En 1911, Vassily Kandinsky rencontre le talentueux Arnold Schoenberg lors d’un concert. Kandinsky alors découvre une cohérence entre ses productions abstraites et les œuvres de Schoenberg, qui rompent avec le système tonal. Selon lui, la musique est abstraite de nature puisqu’elle ne cherche pas à représenter le monde extérieur, mais simplement à exprimer des sentiments propres à l’âme humaine. Les deux artistes entreprendront une correspondance intense, leur permettant d’enrichir leurs théories artistiques et un lien fort.
Artiste et doctrinaire
À côté de la peinture, Vassily Kandinsky théorise l’art. Son premier ouvrage majeur sur la théorie de l’art, intitulé Du spirituel dans l’art, est publié à la fin de l’année 1911. Dans ce texte, il présente sa conception de l’art, moins conventionnelle, qu’il considère avant tout comme une quête spirituelle, mais aussi sa théorie sur l’impact psychologique des couleurs sur l’âme humaine et leur résonance intérieure. Le peintre se sépare de l’objectivité. Il exprime ses idées sur les rapports entre peinture et musique.
L’abstraction prend du galon
L’art, une création qui s’affranchit de la réalité
L’abstraction prend de l’ampleur au début du XXe siècle. Kazimir Malevitch conçoit un nouveau style d’art abstrait, appelé suprématisme. Ce style se construisait sur des formes et des couleurs simples, ne reflétant pas un événement, un paysage ou une personne. On retrouve son style sur le tableau le plus connu de Malevitch, Carré noir, de 1915. Le mouvement abstrait accompagne une révolution artistique et se positionne en rupture avec la conception traditionnelle de l’art comme imitation du réel. Il apporte une vision novatrice de la peinture comme création qui dépasse les limites matérielles du réel.
La descendance de Kandinsky
Au fil des années, le peintre a laissé sa trace dans le monde de l’art. Il a cofondé le groupe Der Blaue Reiter (Le Cavalier bleu) à Munich en 1911 aux côtés d’artistes qui comprenaient sa vision tels que Franz Marc. Dans les années 1920, Kandinsky intègre et enseigne au Bauhaus, en Allemagne, où il approfondit ses recherches sur les formes géométriques et les interactions entre les couleurs. Cependant, le parti nazi fermera l’école en 1933, ce qui motivera le peintre à déménager en France pour ses dernières années jusqu’en 1944.
Kandinsky est aujourd’hui encore considéré comme un précurseur de l’art abstrait, un des peintres les plus importants du XXe siècle. Ses idées continuent d’influencer l’art contemporain et la théorie de l’art. Ses œuvres sont exposées dans le monde entier, entre Paris au Centre Pompidou, New York au musée Solomon R. Guggenheim et Munich à la Städtische Galerie, principalement.
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