Andrew Ho, illustrateur sino-américain, retourne à ses racines asiatiques en réinterprétant les traditions des “kōans”. Avec son crayon de couleur et son style minimaliste, il offre un travail mêlant simplicité, harmonie et imperfection.
Andrew Ho, jeune illustrateur de la côte Ouest des États-Unis, compose des fresques comme des fenêtres ouvertes sur son univers. Chaque scène révèle un fragment de son quotidien, mais aussi de son passé. Ses œuvres, baignées dans une ambiance onirique, capturent une nostalgie subtile des années 1990. Une réminiscence poétique d’une époque qui le marque profondément se dégage alors de son travail.
L’artiste privilégie le crayon de couleur, qu’il considère comme un médium plus authentique que la peinture. « La peinture, c’est un joli mensonge : on peut y cacher tant de choses sous les couches », confie-t-il dans une interview accordée à ArtReview. Il rejette également la perspective atmosphérique, s’inspirant des estampes d’Hiroshige, célèbre artiste japonais de l’époque d’Edo, qu’il admire profondément. C’est une technique qui donne l’illusion de profondeur en estompant les détails et en adoucissant les couleurs à mesure que les objets s’éloignent. Elle imite l’effet de l’atmosphère sur la perception visuelle, rendant les arrière-plans flous ou pâles.
Andrew Ho, d’origine sino-américaine, revendique ce lien avec l’art traditionnel japonais tout en le réinterprétant à travers une palette moderne et personnelle. Est-ce un hommage à ses racines asiatiques ou une recherche volontaire de simplicité ? Le mystère reste entier, laissant chacun libre d’interpréter ses choix artistiques.
Quand la BD rencontre l’art traditionnel
L’artiste est également l’auteur d’une bande dessinée : “Stories of Zen in Comics”. Il s’agit d’une œuvre unique qui explore la philosophie asiatique à travers des bandes dessinées.
Inspiré du bouddhisme zen, il aborde des thèmes comme la pleine conscience, l’instant présent et l’harmonie intérieure. Le zen, né du “Chan” chinois et aussi développé au Japon, valorisant l’expérience directe. Ho illustre ce principe à travers le « “satori” » (éveil soudain), transformant des moments simples en réflexions profondes. Dans un chapitre de sa bd, une pierre tombant dans l’eau symbolise l’interconnexion des choses et le principe d’impermanence (“mujo”).
Il intègre aussi le concept de « “wabi-sabi” », célébrant la beauté de l’imperfection. Des paysages simples et des objets usés traduisent cette esthétique. Ses récits, silencieux et épurés, invitent à méditer et à ralentir. “Stories of Zen in Comics” entend donc aller au-delà de la narration pour offrir une expérience contemplative et apaisante.
Il intègre aussi les “kōans” traditionnels, ces énigmes issues du bouddhisme zen japonais. Andrew Ho infuse dans son œuvre une profondeur spirituelle qui dépasse le simple cadre narratif. Ces courtes histoires ou phrases paradoxales, utilisées par les maîtres zen pour défier la logique rationnelle et favoriser l’éveil spirituel, servent de fil conducteur à ses récits. Parmi les kōans célèbres, on trouve des interrogations comme : « Quel est le son d’une seule main qui applaudit ? » ou encore « Si un arbre tombe dans une forêt et que personne ne l’entend, fait-il du bruit ? ». Ces énigmes ne cherchent pas à fournir des réponses claires, mais à pousser l’individu à dépasser le cadre limité de la pensée logique pour atteindre une compréhension intuitive.
Dans cet esprit, Ho traduit l’essence du zen en images, jouant sur les espaces vides et les non-dits pour engager le lecteur dans une réflexion personnelle. L’artiste parvient ainsi à capturer cette quête d’éveil propre à la philosophie zen, tout en la rendant accessible à travers un langage visuel qu’il souhaite universel et accessible.
Plus qu’une errance zen, son travail prend aussi vie avec une explosion maîtrisée de couleurs, où les teintes acidulées semblent pourtant dosées avec une précision presque obsessionnelle. Les tons pastel se mêlent habilement aux éclats plus vifs, créant un équilibre visuel qui capte sans agresser le regard. Rien n’est laissé au hasard, chaque nuance semble pensée pour dialoguer avec les autres.
Les transitions chromatiques, fluides et naturelles, donnent alors une impression de mouvement. La composition, à la fois vive et apaisante, joue sur les contrastes sans tomber dans l’excès. Le résultat : un tableau qui accroche le regard tout en invitant à la contemplation.
Son style graphique, caractérisé par des lignes délicates et des textures apaisantes, renforce cette atmosphère de sérénité tout en incitant le lecteur à une introspection subtile. Par son œuvre, Andrew Ho dépasse le cadre classique de la bande dessinée pour offrir une expérience immersive, où la simplicité devient une porte vers une sagesse universelle.
L’art de faire sourire
Andrew Ho joue avec un humour fin et délicat, qui se glisse dans des détails inattendus ou des situations décalées. Un silence, un geste anodin ou une question absurde suffisent à installer une touche légère et humaine dans ses récits visuels. Avec son style graphique dépouillé, “Stories of Zen in Comics”, comme le reste de son travail, conjugue introspection et poésie. Ses histoires, à la fois sobres et profondes, offrent une pause bienvenue, invitant le lecteur à ralentir et à se reconnecter à une forme de sérénité oubliée.
Article original écrit le 16 septembre 2016 par Victoria Roussel, mis à jour le 18/11/2024